par yolande | 21 Déc 2017
L’association Objectif Terre de Saint Pont dans L’Allier a pour but d’apprendre et d’oeuvrer pour la protection de l’environnement. Aussi, ayant appris l’existence de Gioux Patrimoine et de la villa gallo-romaine de Gioux, elle prend la décision de nous rencontrer.Une dizaine d’adhérents de cette association se rendent à Gioux le 15 octobre 2017. Nous leur avions organisé une ballade au cours de laquelle nous pouvions herboriser le matin de 10 heures à midi, guidés par Emmanuelle Bouffé, disciple de Gilles Clément, paysagiste et elle-même paysagiste à Mérinchal.
Cette ballade a permis d’observer aux alentours des ruines de la villa, nombre de plantes nitriphiles (orties,vinca minor,…) et en bordure des bois, des arbrisseaux (sureau, houx..) même si cette végétation subit régulièrement les attentions de la tondeuse municipale.
Après un pique-nique dans la salle polyvalente de Gioux mise à notre disposition ce jour-là, l’après-midi a été consacré à une mise en scène de Marcellus au coeur même de la villa. Les participants étaient costumés. La gaieté, la bonne humeur, le beau temps ont contribué à mettre en joie nos visiteurs.
Vers 16 heures nos invités sont repartis bien heureux de l’accueil qui leur avait été réservé.
Suite à cette journée, l’un des visiteurs nous a adressé deux textes que voici :
TRACES
Broderies autour de la villa gallo romaine de Gioux
Des chênes, une belle lumière dorée…
Cet endroit paisible m’a accueilli dès ma venue. Il a capté mon regard, et les pas, qui m’ont
mené d’Italie vers cette contrée de verte douceur, se sont alors arrêtés.
J’étais las de ce long chemin, de cette errance sans attache et sans décision mienne.
Ma famille était là-bas, en Italie. Femme, enfants, ils étaient si loin, depuis si longtemps, audelà
des plaines, au-delà des montagnes, au-delà de tant de pas en terre inconnue…
Il fallait que quelque chose parle à mon coeur, et que mon coeur s’attache à quelque chose. –
Et ici, aux confins de ce pays rugueux, entre montagne et mer, quelque chose m’a arrêté, et
j’ai enfin trouvé un endroit où poser vie et paix en moi.
Cette clairière était là.
La main de l’homme avait ouvert les taillis, et repoussé sur son pourtour la course secrète
des chevreuils et des sangliers. Elle avait clairsemé les troncs, ouvrant voie à la lumière,
dentelle dorée d’automne, filigrane vibrant de printemps.
Et ici, en son creux, était une place semblable à un nid, hors de tout.
Mon regard s’est arrêté, mes pas se sont posés.
Alors, le chemin où on emprisonne un homme loin de sa vie, je l’ai quitté, et j’ai décidé de
planter mes racines là, en cet endroit. J’avais suffisamment laissé de côté ce qui était mon
chemin.
J’ai laissé armes et bâtons de marche. Ils ne m’appartenaient pas.
Et j’ai retrouvé mes mains – Mes mains pour construire, mes mains pour cueillir, mes mains
pour sentir. Elles se sont réchauffées au feu, au creux de la nuit, et le jour, elles ont
assemblé les branches en abris.
Imaginer, poser, marier l’envie d’une vie avec celles du lieu ; esquisser au bâton sur le sol,
ouvrir la terre, fonder, plonger ses mains dans l’humus odorant, les frotter à la rugosité des
roches pour en faire surgir des formes…
S’immerger, et, jour après jour, pierre après pierre, marier cette graine qui avait été plantée
et nourrie en moi par ce lieu avec lui, entraîné par un futur déjà présent.
Les bâtiments qui naissaient, ils étaient là, déjà bien enracinés et présents en moi, et lorsque
mes mains rencontraient la pierre, c’était comme si elles ne faisaient que les dévoiler au fur
et à mesure :
un endroit pour le feu qui réchauffe, nourrit, transforme, accueille; quatre murs solides et
rassurants ; un toit qui protège de la brume ; un enclos pour vaches, chèvres, ânes, et un
chien pour les garder des animaux qui préfèrent la vulnérable inexpérience domestique au
pari de la chasse ; des magasins gonflés des fruits d’été, garants des jours d’hiver ; le
cordeau d’une enceinte, à la lisière de l’ordonnancement humain et du cours de la vie
sauvage.
Et dans cette cour, la vie, rayonnante du soleil, ou ouatée d’hiver.
Cette vie là, cette douceur, c’est celle qu’inspire la nature et l’endroit.
Une aspiration à la paix, au rythme serein de la vie, régulier comme le battement d’un coeur.
Un équilibre d’harmonieuse évidence, où la vie suit son cours, et qui résonne dans chaque
coeur…
A moins que l’histoire de ce filigrane brodant encore le sol soit tout autre….
Qu’elle plonge se racines, non dans la sérénité d’un havre, mais dans l’histoire d’une bâtisse
imposante qui fait force ? …
Que la rude géométrie tranchant sur la fluidité de la nature, soit le fruit de la volonté d’un
commerçant ou d’un gouverneur, qui a commandé et posé là son domaine, pour régir cette
terre inconnue ?
Nommé de la lointaine Italie, il est venu là avec famille et hommes pour régir, coordonner,
ordonnancer, exploiter, faire fructifier, ou peut être soumettre ?
Chaumes et torchis étaient peut être là à côté de cette enceinte de pierres? ou avant
même ?
Terre, blé, bétail, étables, greniers, foyer, demeure, richesses ; coffres, réserves d’armes,
autels et dieux auxquels les hommes confient leur chemin ; culture, commerce, négociations,
récoltes ou tribus en nature…
Une inlassable quête… mais de quoi ? – Terres ? Richesses ?
L’aventure humaine pousse son errance à travers montagnes et plaines jusqu’en cet endroit
paisible, habité par la nature plus que par l’homme.
Forêts, chênes, sangliers, étaient là bien avant chaumes et pierres, dont la trame marque
encore la terre. Et l’odeur de l’humus, bien avant encore…
Visible, invisible, fragments d’aventure humaine perdus dans le temps, échos incertains et
oubliés, histoire diffuse…
Qu’importe ?
Ce qui compte, c’est ce lieu qui rayonne.
C’est sûrement pour cela que la vie est venue s’y nicher et s’y épanouir, et que sa force
résonne sous nos pieds, dans nos yeux.
Ce qui saisit, c’est cette pente douce qui fait accoster et conduit, la coupole dorée des
feuilles, les troncs silencieux et bienveillants qui accueillent, le tapis nourricier des nouvelles
végétations, la lumière qui irradie, en un silence suspendu…
Qu’importe les temps ?
Qu’importe l’impermanence des chemins qui se sont croisés en ce lieu ?
Ce qui compte et saisit, y a été posé par la nature, et c’est ce qui est de tous temps, et qui
nourrit :
– nature, paix, joie, vie
Clairière
Clairière
Clair hier
– et aujourd’hui
Or immémorial des feuilles
Lumière d’automne
Irridescence de printemps
Ouate d’automne
Scintillement d’hiver
La mémoire silencieuse des arbres
S’enracine
Et ensemence le regard
Feuilles, humus, racines
Troncs, branches, fruits
Voyage circadien
Vie qui reçoit et donne
Clairière
Clair hier
– et aujourd’hui
En ce cercle
se suspendent nos pas attentifs
au milieu du tout
Simplicité paisible
de l’infini de la Vie
Clairière
Clair hier
– et aujourd’hui
Eclat simple
Qui rayonne là,
Au-dedans de nous